lundi 19 avril 2010

Gaspard

Sur la carte IGN posée sur les genoux de Cyrilline, le petit village de "vieilles vignes" apparaissait situé au sud ouest de Siphon, dans une zone viticole mais un peu éloignée des grands domaines. Kalaine conduisait timidement le véhicule étant peu habitué à prendre la voiture en dehors des éternels trajets entre le centre commercial et la rue où elle diagnostiquait les futurs de sa clientèle. Jean, fébrile à l'idée de ne pouvoir fumer pendant une demi heure, regardait éberlué la campagne siphonnaise et se demandait comment peindre un loup invisible. Lucie les avait accompagné et pensait à ces animaux si gentils qui avaient été éradiqué du pays dans les années 30. Kalaine, avait mis la radio, car aujourd'hui à 13H30 l'émission "des astres et des songes", parlait de Nostradamus. Jean essaya de plaisanter mais il comprit rapidement au ton de Kalaine l'importance que revêtait pour elle le personnage.
Arrivé aux vielles vignes ils prirent renseignement auprès des villageois sur le dénommé Gaspard. Le ton d'ordinaire si affable des villageois virait à l'aigre et l'un d'eux désigna une cabane au loin dans la colline en ajoutant "On l'aime pas trop par ici, y porte la poisse et la mort". Ils se dirigèrent tout de même vers la cabane de berger s'éloignant un peu du village par un sentier de terre battu que des ronciers délimitait. Une petite mare contournée ils traversèrent un pré et frappèrent à la vieille porte en chêne de la cabane. Un homme brun d'une cinquantaine d'année sorti, le visage caché par une barbe hirsute. Ses yeux noirs flamboyants dévisagèrent la petite troupe et il demanda d'un ton rude: "Que me voulez vous?". Un peu impressionnés nos héros hésitants se concertèrent et la courageuse Cyrilline dit " Nous venons vous voir à propos de vos loups invisibles". Gaspard déconcerté les invita à entrer.

Une organisation occulte

Lorsque Lucie entra en contact avec ces loups, rien se semblait pouvoir se mettre entre leur chemin parcouru et les directives qu'ils avaient reçu. Un homme vivant dans un petit village alentours, enchanteur, bien que cela en fasse rire plus d'un dans la région, avait permis à ces animaux de vivre en milieu urbain sans se faire remarquer grâce au baume prodigieux qu'il avait exhumé d'un grimoire qu'il tenait de son grand oncle et qui circulait dans la famille depuis plusieurs générations. Les loups lui expliquèrent que cet homme, qui vivait reclus dans une cabane de berger, leur demandait de faire régner la loi suite aux troubles qu'occasionnât la folle et funeste entreprise de mine de crayon. Parcourant les villes, villages et hameaux de la région, ces animaux intelligents étaient chargé de veiller sur les citoyens et d'endiguer toute éventuelle exploitation par une morsure bien sentie dans le cou du contrevenant.
Ils étaient donc les justiciers nés des circonvolutions fumeuses du cerveau du sorcier Gaspard Duchemindesroseaux du village "des vielles vignes". Lorsque Cyrilline, Kalaine et Jean apprirent cela, leur sang ne fit qu'un tour: Il fallait impérativement rencontrer cet homme à la tête d'une organisation qui bien qu'humaniste était occulte comme un secret d'alchimiste et dont les projets pourraient varier au gré de ses humeurs (si changeantes aux dires des loups).
La vieille voiture vert pomme de Kalaine était en état de marche et l'expédition fut programmée pour le lendemain.

vendredi 26 mars 2010

Des loups invisibles... et sympatiques

L'appel de Kalaine avait été court et le problème s'avérait plus complexe qu'il n'y paraissait de prime abord. Ainsi Jean se rendit-il à l'heure de la réunion chez Kalaine rejoint promptement par Cyrilline avertie entre-temps.
Il y avait en ce moment une meute de loups qui, aussi surprenant que cela puisse paraître, déambulait dans les rues de Siphon. Pour ajouter à la gravité de la situation ces loups avaient été rendu invisibles par une curieuse et secrète alchimie. Ces animaux, encore rassasiés par quelques brebis de la campagne environnante, étaient pour le moment inoffensifs et après quelques plaisanteries nos amis décidèrent qu'il fallait entrer en contact avec ces derniers. Kalaine ajouta "Une ancienne amie d'enfance a appris le langage des animaux" et aussitôt après avoir recherché dans son vieux carnet d'adresses son numéro de téléphone, ils appelèrent. Après d'émouvantes retrouvailles, Kalaine exposa à Lucie la situation, qui bien que rocambolesque sembla rapidement préoccuper cette dernière.
Jean sortit fumer une cigarette dans le petit jardin arrière de la maison de Kalaine. Au moment ou il commençait à se délecter de la première bouffée, il entendit un petit glapissement à quelques mètres puis il entendit l'herbe bruisser et sentit aussitôt un petit lèchement sur sa main. A peine effrayé Jean caressa l'animal invisible. Un premier contact était lié.
Il rentra dans la maison et prévint ses amies. Excitées à l'idée de sentir l'animal, elles sortirent. Il était toujours là et très affectueux.
Lucie allait venir mais nous pouvions compter sur une entente cordiale.

vendredi 19 mars 2010

Le malaise de Kalaine est résolu, une concertation était aussi nécessaire!

J'arrivais ainsi chez Kalaine à l'heure où tous les fantômes rendaient son appartement terrifiant et lui faisaient écrire les inepties les plus complètes sur son blog (pourtant réputé être une référence en matière de prédiction). Lorsque j'entrais dans la salle, elle était en proie à de vifs sanglots et les courriels enflammés des internautes semblaient en être la cause. "Ils m'ont annoncé un conflit planétaire pour aujourd'hui, ce que j'ai fidèlement reporté et maintenant je passe pour quoi... " Elle fondait en larmes de plus belle. Après un vif dialogue avec mes confrères où je leur expliquais la dure mission de Kalaine et leur rôle pacificateur et de prévention, ceux-ci convinrent de la stupidité de leur jeu même si au fond d'eux la plupart trouvait cela drôle. J'en convenais intérieurement, c'était cocasse, mais je ne leur cachait pas mon courroux et ils allaient reprendre les choses de façon sérieuse. D'ailleurs des loups, d'une espèce toute particulière, occupaient la ville et notre M. Lumine, qui écrivait toujours ses nombreuses impressions, l'avait noté dans son carnet. Je pensais qu'il s'agissait d'une de ses nombreuses hallucinations (qu'il tentait de dissimuler tant bien que mal) mais la chose était avérée et j'enjoins Kalaine de prévenir ses lecteurs.
Lorsque ses nombreux conseillers eurent quitté le lieu, je lui confiais mes préoccupation concernant mes protégés et elle me dit ce qu'elle savait. D'ailleurs Cyrilline allait bientôt passer chez elle et son avenir à elle, serait brillant... Pour Jean, ça dépendait encore de ses choix...
Mais nous devions parler du nouveau danger qui planait sur Siphon.Demain elle appèlerai Jean.

Les journées ordinaires de nos héros et les soucis de la voyante

Le planning de Jean, qui hantait l'appartement du 2 bis tout autant que moi, était vraiment déplorable. Après s'être levé, à l'heure où les honnêtes gens prennent leur déjeuner, il buvait du café tout en écoutant une musique folk aux accents improvisés des plus insupportables. Ensuite il mangeait un sandwich confectionné par sa boulangère, le seul substitut plausible d'une mère, puis passait quelques appels officiels afin de régler les quelques soucis tangibles de sa vie administrative et fumait des cigarettes tout en lisant sporadiquement quelques pages d'un poète chilien...
Sans compter les allers retours vers son ordinateur, les pages musicales consultées, et les quelques appels savamment répartis au cours de la semaine vers des amis.
Il peignait et écrivait mais à l'heure où les mêmes honnêtes gens éteignent leur lampe de chevet. Il me tardait vraiment de le voir retrouver un travail digne de ce nom...
Pendant ce temps, la vertueuse Cyrilline, se levait à six heures,prenait une douche et se préparait puis se rendait au travail la mort dans l'âme, buvait un café à la pause de dix heures avec ses collègues de bureau, mangeait encore avec eux entre 12H30 et 13H45 et revenait épuisée vers 17H. Après s'être accordé une pause thé d' une demie heure elle se replongeait dans le traité d'odonatologie(étude des libellules) du Pr Hellesonbeleshiron ,consultait ses carnets de notes, infirmait ou complétait ses hypothèses et puis rédigeait quelques conclusions concernant ses observations. A 19 heures elle mangeait une salade verte accompagnée d'un mince filet d'huile avec une tartine de beurre puis un yaourt bulgare et appelait sa mère qui vivait seule.
Vers 20H30, elle allait sur internet consulter des revues ayant trait à ses axes de recherches puis consultait une dernière fois sa messagerie. Elle se couchait ensuite sur un matelas et prenait un livre de poésie, celui du poète chilien tout comme Jean ( mais aucun des deux ne le savait).
Ce soir avant de dormir elle pensa "Et si j'appelais Kalaine afin de savoir ce qui m'attend" mais cela lui semblait être une ineptie quoique...
Tous deux avaient besoin de changements et Kalaine, qui en savait long sur l'avenir de nos protagonistes, était aussi en proie à un malaise croissant. Les fantômes se jouaient d'elle et elle en prenait conscience. Ses prédictions étaient erronées une fois sur deux et elle devait me parler. Je me rendis chez elle sans tarder.

jeudi 18 mars 2010

Après le thé un étrange chant de loup

Jean s'était remis à peindre depuis quelques jours. Il semble que la toile évacuait lentement les tensions accumulées ces derniers temps, le rouge qu'il essayait de masquer réapparaissait par traces vives et le tapis faisait les frais de ces humeurs.
Cyrilline, de son côté, s'ennuyait au milieu des piles de dossiers qu'elle devait vérifier dans son office. Sa longue silhouette blonde devenait pâlissante et ses collègues de bureau s'inquiétait quant à son entrain et sa santé.
Elle voyait Jean ce soir et le rendez-vous était fixé dans le petit parc à côté de l'église saint Jacques.
Jean arriva à l'heure et elle quelques minutes après.
Ils avaient tous deux l'air d'une maladresse égale ce qui renforçait leur sentiment d'amitié naissant. Elle lui confia son ennui et lui sa lassitude.
Tous deux convenaient tout de même du confort qu'ils trouvaient dans la ville paisible de Siphon même si la vie n'équivalait pas toujours à leurs jeunes espérances.
La morosité était aussi au rendez-vous et je m'apprêtais à visiter quelques amis fantômes des environs quand ,dans un réflexe de survie, Cyrilline proposa à Jean de passer un weekend entre amis dans une petite maison qu'on lui prêtait à la campagne. Il hésita, prétexta une commande pour un client dont j'apprenais l'existence balbutia quelques mots inaudibles lorsqu'elle lui dit "Cette maison est à côté d'une rivière où l'on peut se baigner".
Jean aimait beaucoup l'eau et soudain la commande n'était plus si pressée. Il dit toutefois qu'il aimerait prendre le temps de réfléchir. Le temps fraichissant elle lui proposa de prendre un thé chez elle puisqu'elle habitait à proximité.
L'appartement de Cyrilline était situé sous les toits, comprenait deux pièces meublées sobrement et une grande bibliothèque aux livres improbables mais probablement rares. Il s'assit sur un petit coussin posé au sol et elle arriva peu après avec une grande théière à la main. Cyrilline fumait très rarement mais elle prit une cigarette et Jean en fit autant. Ils bavardèrent au milieu des petits insectes en métal assemblés en mobiles qui occupaient l'espace libre de l'appartement.
Il lui confia ses préoccupations quant à Centre Emploi, son inquiétude de pouvoir retrouver un petit contrat dans le temps imparti et ses incertitudes concernant son avenir. Elle écoutait attentivement, ses doigts longs et fins posés sur les genoux.
Pour le consoler, elle lui confessa la détresse que suscitait en elle ses perspectives professionnelles dans l'administration tout en ajoutant que si cela suscitait un sentiment de sécurité cela lui procurait aussi de la lassitude et semblait compromettre ses projets plus personnels.
Ils se turent. Jean se leva et dit qu'il devait travailler à nouveau sur le portrait qu'il préparait. Cyrilline allait se coucher car elle prenait le travail à sept heures. "Nous reverrons-nous prochainement?" demanda-il. "Quand ça te chante" répondit-elle.
Lorsque Jean sortit la lune était rouge, le vent soufflait et il lui sembla entendre un hurlement de loup. "Mais où sommes-nous?" se demanda-il à mi-voix. Les choses sont parfois étranges...

lundi 15 mars 2010

Le retour au calme et des retrouvailles amicales

Les choses étaient apaisées, bien que toujours au cœur des préoccupations siphonnaises, l'affaire était close et l'urgence avait fait place au soulagement général.
Jean et Cyrilline devaient prendre un café ensemble et rendez-vous était pris dans un petit bistrot situé impasse des Marronniers, "la libellule rouge" à mi parcours des domiciles de nos protagonistes. Kalaine, avec qui un lien d'amitié commençait à poindre, devait les rejoindre un peu plus tard ainsi que Léon, un ami de Cyrilline. Tous avait pris une part importante aux évènements et le sujet était inévitable. Avant l'arrivée de leurs camarades Jean et Cyrilline parlèrent de leurs projets respectifs et si les centres de préoccupation étaient plutôt différents ils s'amusèrent beaucoup de leurs parcours et trouvèrent quelques similitudes. Et puis ils connaissaient tous deux Jérôme, un musicien qui était à l'origine de quelques disques expérimentaux et qui les amusaient. Lorsque Kalaine arriva, elle venait de préparer quelques prédictions concernant Jean et ce à son insu. Elle lui dit d'emblée "Tu verras, tu partiras en Amérinde et Cyrilline aussi" ce qui les amusa beaucoup... Et puis Léon arriva, un homme timide qui vendait des livres dans une rue adjacente. Kalaine avait un sens de l'humour prononcé et tous rirent à ses anecdotes concernant les fantômes ce qui ne manqua pas de m'irriter. En effet sans nous, ils extrairaient des crayons de la mine mais je glissais à l'oreille de Kalaine que je renouerais le contact avec eux plus tard.
Lorsque nos amis se quittèrent, Cyrilline tendit son ouvrage à Jean. Il y avait en couverture une belle libellule rouge!