jeudi 18 mars 2010

Après le thé un étrange chant de loup

Jean s'était remis à peindre depuis quelques jours. Il semble que la toile évacuait lentement les tensions accumulées ces derniers temps, le rouge qu'il essayait de masquer réapparaissait par traces vives et le tapis faisait les frais de ces humeurs.
Cyrilline, de son côté, s'ennuyait au milieu des piles de dossiers qu'elle devait vérifier dans son office. Sa longue silhouette blonde devenait pâlissante et ses collègues de bureau s'inquiétait quant à son entrain et sa santé.
Elle voyait Jean ce soir et le rendez-vous était fixé dans le petit parc à côté de l'église saint Jacques.
Jean arriva à l'heure et elle quelques minutes après.
Ils avaient tous deux l'air d'une maladresse égale ce qui renforçait leur sentiment d'amitié naissant. Elle lui confia son ennui et lui sa lassitude.
Tous deux convenaient tout de même du confort qu'ils trouvaient dans la ville paisible de Siphon même si la vie n'équivalait pas toujours à leurs jeunes espérances.
La morosité était aussi au rendez-vous et je m'apprêtais à visiter quelques amis fantômes des environs quand ,dans un réflexe de survie, Cyrilline proposa à Jean de passer un weekend entre amis dans une petite maison qu'on lui prêtait à la campagne. Il hésita, prétexta une commande pour un client dont j'apprenais l'existence balbutia quelques mots inaudibles lorsqu'elle lui dit "Cette maison est à côté d'une rivière où l'on peut se baigner".
Jean aimait beaucoup l'eau et soudain la commande n'était plus si pressée. Il dit toutefois qu'il aimerait prendre le temps de réfléchir. Le temps fraichissant elle lui proposa de prendre un thé chez elle puisqu'elle habitait à proximité.
L'appartement de Cyrilline était situé sous les toits, comprenait deux pièces meublées sobrement et une grande bibliothèque aux livres improbables mais probablement rares. Il s'assit sur un petit coussin posé au sol et elle arriva peu après avec une grande théière à la main. Cyrilline fumait très rarement mais elle prit une cigarette et Jean en fit autant. Ils bavardèrent au milieu des petits insectes en métal assemblés en mobiles qui occupaient l'espace libre de l'appartement.
Il lui confia ses préoccupations quant à Centre Emploi, son inquiétude de pouvoir retrouver un petit contrat dans le temps imparti et ses incertitudes concernant son avenir. Elle écoutait attentivement, ses doigts longs et fins posés sur les genoux.
Pour le consoler, elle lui confessa la détresse que suscitait en elle ses perspectives professionnelles dans l'administration tout en ajoutant que si cela suscitait un sentiment de sécurité cela lui procurait aussi de la lassitude et semblait compromettre ses projets plus personnels.
Ils se turent. Jean se leva et dit qu'il devait travailler à nouveau sur le portrait qu'il préparait. Cyrilline allait se coucher car elle prenait le travail à sept heures. "Nous reverrons-nous prochainement?" demanda-il. "Quand ça te chante" répondit-elle.
Lorsque Jean sortit la lune était rouge, le vent soufflait et il lui sembla entendre un hurlement de loup. "Mais où sommes-nous?" se demanda-il à mi-voix. Les choses sont parfois étranges...

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